Le départ de Red Horse, 8 fois 38 x 35 cm, 1995

Le départ de Red Horse, 8 fois 38 x 35 cm, 1995

Le travail de Françoise Pelenc ressemble à celui d’une ethnologue post-moderne, fascinée par les cultures lointaines et les nomades des anciennes civilisations. S’y ajoute un contrepoint poétique, où l’appel de la mythologie se mêle à la nécessité de l’ésotérisme… Il y a d’abord le stade de la recherche, la documentation concrète et la découverte des clefs de cette sémiologie hors du temps : les pensées qui se transmettent, codifiées par des signes à la puissance surnaturelle extraordinaire. Puis vient l’exploration et la collecte des matériaux bruts : toile de jute, bâtonnets de bois, plumes d’oiseaux, etc., glanés dans des échoppes excentriques ou ramassés au cours de promenades en Lozère. Enfin, la création pure. Redevenue artiste en chambre, Françoise Pelenc assemble avec tendresse mais aussi avec une minutie quasi-obsessionnelle bandelettes morcelées, étoffes recousues, toiles réunies en patchwork, bouts de bois taillés puis collés. Au centre de cette célébration du nomadisme, le tissu. A la fois vêtement et habitacle, il transcende la solitude du voyageur en devenant le vecteur de sa mémoire et d’un quotidien qui se heurte aux aléas de l’existence. Et, de même que le nomade est l’être au monde le plus apte aux rencontres, les tissus qu’il transporte véhiculent son vécu, ils sont l’emblème de son art de vivre et de son ouverture aux autres. Et puis, le tipi… Allégorie de l’enfance bien sûr, clin d’œil vers les souvenirs et les jeux, voyage dans le temps rendu plus émotionnel encore grâce à cet esthétisme de la miniaturisation. Et au-delà, le fantasme de l’habitat que l’on emmène partout avec soi, la fonctionnalité de la tente mais aussi son symbole : chaque fois qu’elle se déplie, n’est-ce pas la mémoire qui se réveille ? Primitifs et modernes à la fois jusque dans le choix des couleurs (l’ocre, le bleu) qui évoquent de très anciens pigments minéraux, les travaux de Françoise Pelenc parlent et font vibrer. La cartographie et les traces de campements d’«Itinéraire». Le cadran solaire de “La voie du point”. Les signes rituels de “Greasy Grass”. L’intimité suggérée qui se glisse dans chaque pli du “Départ de Red Horse”. Autant d’images, autant d’empreintes, où se décryptent en filigrane une sérénité salutaire, une douce nostalgie, une profonde sensualité aussi. Et puis, ces oeuvres révèlent des sentiments enfouis très loin, elles attisent l’inconscient et en font surgir des pensées oubliées. Mysticisme et magie, tissus et bâtons de bois : réel et imaginaire se confondent étroitement. Intemporelles et initiatiques, les toiles peintes de Françoise Pelenc sont des métaphores possibles de notre éternité.

Pascal BUSSY
Catalogue de l’exposition “Itinérances, Fibres et textiles “, 1995